Laissez-la passer, elle est avec moi.

Sorti de nulle part, son propre laisser-passer brandi sous le nez du garde, il espérait que celui-ci ne cherche pas plus loin et se contente d'obtempérer. Qu'ils soient arrivés en même temps n'était qu'une pure coïncidence, mais il se voyait mal passer à sa suite pour réclamer lui-même le droit de passage et la laisser là sans même un regard. Ce qu'il avait là n'était qu'une autorisation temporaire de circuler à l'intérieur de la base, mais s'il parvenait réellement à lui faire avaler qu'elle lui était reliée d'une quelconque manière, cela simplifierait les choses à n'en point douter. Quoi qu'elle soit venue faire ici, elle avait sans doute mieux à faire que de perdre son temps à attendre que quelqu'un vienne lui ouvrir. C'était un acte purement désintéressé de sa part, il n'attendait pas la moindre gratitude en retour et ne daigna pas même accorder à la jeune femme le moindre signe de complicité.

Qui elle était, les motifs de sa visite ou même la raison pour laquelle elle n'avait pas de pass sur elle lui importaient peu. Tout ce dont il se souciait, c'était qu'on l'avait convoqué ici même à cette heure très précise et que s'il ne voulait pas que cela dégénère et le retarde d'autant, il avait tout intérêt à lui offrir une occasion en or. Que cela marche ou non ne dépendait que d'elle et de sa capacité à se montrer convaincante, il n'avait pour sa part rien à gagner à lui venir en aide. Parfaitement stoïque, une cigarette au coin des lèvres, il se contenta de tirer sur son col pour la troisième fois en l'espace de dix minutes. Je vous jure, qu'est-ce qu'il faut pas faire... Lui faire endosser l'uniforme de ZAFT ? À lui ?

S'il voulait bien admettre – éventuellement du moins - que cela pouvait avoir son utilité pour des questions de protocole, il n'aimait guère l'idée que sa tenue laisse à penser qu'il était des leurs. S'il avait certes apprécié sa précédente collaboration avec le Chancelier Suprême, c'était aller un peu vite en besogne que de le considérer comme un allié à part entière – même si, à choisir, c'était encore le camp dont il était le plus enclin à se rapprocher. Bref, il n'avait qu'une seule hâte, celle d'en finir avec cette mission pour pouvoir s'en débarrasser et en revenir à des effets plus personnels. Il n'aurait d'ailleurs pas pensé revenir si vite sur les PLANTs, il avait à peine eu le temps de s'en éloigner qu'on le sollicitait déjà pour un ordre de mission sur lequel on n'avait voulu lui dire que le strict minimum. Poussé par la curiosité, il avait donc accepté et voilà comment il en était arrivé là...

Dépêchez-vous. Le chancelier suprême Gato nous attend. le pressa-t-il après un rapide coup d'oeil à sa montre. Vous ne voudriez quand même pas qu'on soit en retard par votre faute ?

Dark faillit s'impatienter en voyant que le garde n'avait toujours pas l'air disposé à leur céder le passage. Qu'est-ce que c'est que cette camelote qu'on m'a refilé ? Bien qu'il lui ait présenté un authentique permis de circuler, le vigile – qui, décidément, n'avait pas l'air bien dégourdi – n'avait pas l'air de vouloir comprendre qu'il était temps de les laisser passer. Peut-être avait-il eu une mauvaise expérience, mais ce ne serait rien à côté de celle que le mercenaire lui ferait subir s'il s'obstinait à lui barrer la route. Il était venu ici pour recevoir un ordre de mission, pas pour perdre son temps avec un personnel incompétent. Fort heureusement, Gato se présenta devant eux sans qu'ils n'aient eu à franchir les barrages de sécurité. Il s'en fallut de peu que le jeune homme pousse un soupir de soulagement.

Vous tombez bien, je commençais à croire qu'on ne réussirait jamais à arriver jusqu'à vous. l'accueillit-il tout en jetant un dernier regard aussi placide qu'acerbe à la sentinelle. Je ne pensais pas vous revoir de sitôt. Vous aurais-je manqué ? ironisa-t-il tout en lui emboîtant le pas, en réponse à ses remerciements.

Ceux-ci n'étaient que pure politesse, après tout. Ayant déjà travaillé pour ZAFT par le passé, ceux-ci devaient avoir un joli dossier à son sujet stipulant qu'il acceptait tout type de contrat, pourvu que les conditions ne soient pas trop précaires et que le paiement soit à la hauteur de leur objectif. On lui aurait demandé de mettre le monde à feu et à sang qu'il l'aurait fait pour peu qu'on lui en donne les moyens. Tout le reste n'était que formalités. Pendant qu'ils étaient dans l'ascenseur, un détail lui traversa l'esprit : peu avant son arrivée, il avait entendu de loin la demoiselle parler d'un certain Nobunaga. Or, le seul Nobunaga qu'il connaisse, c'était Vergil Nobunaga.

Et si celui-ci se trouvait dans les parages, il y avait des chances pour qu'il passe un sale quart d'heure. Quand on dirige une agence de mercenaires, on apprécie rarement de voir les contrats nous passer sous le nez et cela avait du lui arriver à maintes reprises par la faute de Dark au cours des dernières années. Et c'était sans parler des quelques fois où ils s'étaient retrouvés dans des camps opposés au détour de l'un ou l'autre conflit mineur ayant éclaté récemment par le biais de ses « employés ». Sa seule chance était que peut-être sa réputation ne soit pas arrivée jusqu'à lui, mais il en doutait fort : il y avait sur la plupart des champs de bataille au moins une personne pour reconnaître celui que certains prenaient plaisir à nommer « la Terreur Noire ».

Sa seule chance était que son visage ne soit pas connu publiquement et qu'il puisse donc ne pas le reconnaître, mais cela demanderait qu'il cache son identité. Mais s'il n'était pas dans ses habitudes de la déclamer de but en blanc, il ne pourrait refuser si on la lui demandait. L'on ne pouvait pas dire qu'il soit réellement inquiet à ce sujet, mais la situation inconfortable qui en résulterait ne l'enchantait guère. Le plus simple était donc encore de ne pas le croiser, mais la possibilité d'y arriver était faible puisque la jeune fille avait l'air de le chercher. Il ne s'offusqua d'ailleurs pas le moins du monde qu'elle n'ait manifesté aucune reconnaissance. Ce n'était de toute façon pas son intention et il y avait fort à parier qu'il en aurait fait de même si les rôles avaient été inversés.

Je ne savais pas que j'aurais de la compagnie. Ce n'est pas ce qui me fera changer d'avis, mais j'aurais aimé le savoir à l'avance. C'est parce que vous ne me faites pas assez confiance ou parce que la mission est trop importante pour me laisser l'accomplir seul ? demanda-t-il d'un ton neutre alors que les portes venaient de se refermer derrière eux.

Vous savez que je n'aime pas travailler en équipe, pensa-t-il sans le dire à voix haute. Un inconvénient avec lequel il pouvait transiger, si le paiement le légitimait, mais qui n'était pas sans attiser sa curiosité. Le peu d'informations qu'il avait pu recevoir au sujet de l'opération lui faisait déjà se poser de nombreuses questions, mais qu'il fasse appel à lui en même temps que les mercenaires de Mundus était d'autant plus suspect. Manquait-il à ce point de main d'oeuvre ou y avait-il quelque chose qu'il souhaite cacher à tout prix au point de ne pouvoir mobiliser les soldats de l'armée régulière ? Ils n'allaient pas tarder à le savoir. Emmenés directement dans ce qui pour Dark tenait de la gueule du loup – à supposer que l'homme qui se tenait devant lui soit bien le célèbre chef de la colonie carcérale, faute de savoir à quoi il ressemblait. Leur client leur avait suggéré de faire connaissance mais aucune des deux demoiselles n'avait l'air pressée de le faire, et ce n'était pas lui qui leur donnerait tort. Cependant...

C'est vous, Vergil Nobunaga ?